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L'Irak et contre-insurrection
Posted by Andreas (Guest) - Monday, January 5 2004, 15:01:31 (EST)
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L'Irak, laboratoire des nouvelles méthodes de contre-insurrection

Si le chaos en Irak a surpris les dirigeants civils des États-Unis, il était
attendu par une faction militaire. Les anciens commandants des opérations
Phoenix et Condor se préparaient depuis trois ans à expérimenter en Irak de
nouvelles méthodes de contre-insurrection. Le retrait en cours d'une partie
des troupes de la Coalition, s'il satisfait la volonté des dirigeants civils
de se désengager du bourbier irakien en période électorale, laisse en
réalité le champ libre aux techniciens de la « Guerre de basse intensité ».
Avant que George W. Bush ne donne l'ordre d'attaquer l'Irak, ses amis se
déchiraient quant à savoir si les États-Unis devaient poursuivre la « Guerre
au terrorisme » ou s'ils devaient réorienter leur action militaire et
engager l'essentiel de leurs forces en Irak. Le premier point de vue était
notamment défendu par l'ancien Conseil national de sécurité de Bush père,
Brent Scowcroft. Pour lui, la « Guerre au terrorisme » n'avait pas pour
finalité de défendre le sol américain face à des menaces extérieures, mais
d'éliminer partout dans le monde les mouvements et les gouvernements qui
s'opposent au déploiement des grandes sociétés états-uniennes. La « Guerre
au terrorisme » devait être en pratique l'extension à tout le tiers-monde de
la « Guerre de basse intensité » conduite depuis des décennies en Amérique
latine. Le second point de vue, défendu par la puissante équipe du Center
for Security Policy, ambitionnait de transformer le Proche-Orient en un
pré-carré comparable à l'Amérique latine (doctrine Monroe). Pour ce faire,
il convenait d'intervenir massivement en un point donné (l'Irak) avant de
« remodeler » la région, pièce par pièce, et d'y installer une « Guerre
perpétuelle de basse intensité ». À l'issue de la guerre en Irak, ce débat a
ressurgi un instant, jusqu'à ce que
George W. Bush y mette un terme, lors de son allocution télévisée du 7
septembre 2003. Dans une belle envolée lyrique, le président a affirmé que
l'Irak est l'actuel front dans la guerre au terrorisme. Ce qui a pu paraître
n'être qu'une habile formule désigne en réalité un choix politique dont on
commence juste à observer les conséquences concrètes sur le terrain.

Le chaos actuel n'est pas une surprise pour l'état-major

Résumons la situation militaire : quelques semaines avant la guerre, Saddam
Hussein a réorganisé son armée. Il a abandonné le modèle soviétique pour le
modèle chinois. Les grandes unités ont été démantelées et reformées au
niveau communal. Le système de commandement a été adapté de sorte que chaque
unité communale peut, à la fois, être intégrée à un plan d'ensemble, et au
besoin continuer à agir de manière autonome si les transmissions sont
coupées. Puis, Saddam Hussein a amnistié tous les prisonniers, hormis les
auteurs d'homicides, et fait appel au sentiment nationaliste de la
population. Il a alors ouvert les arsenaux et distribué les armes de poing.
Consciente du danger extérieur, la population, qui pourtant tenait Saddam
Hussein en détestation, ne s'est pas soulevée. Les États-Unis ont bombardé
le pays avec plusieurs milliers de missiles testant à petite dose la théorie
du « Choc et de l'effroi ». À l'issue de ce traitement, la population terrée
dans des abris et hébétée n'a pas opposé de résistance, ni marqué de
satisfaction, à l'arrivée des blindés de la Coalition. L'armée de Saddam
Hussein, dont certains généraux avaient été corrompus, s'est rendue sans
livrer bataille. Ce n'est que progressivement que le peuple irakien a repris
ses esprits, a pris acte de l'effondrement de l'État, a constaté le pillage
et les confiscations auxquelles se livraient les troupes de la Coalition, et
a commencé à utiliser les armes dont il dispose contre l'occupant. Cette
révolte anarchique correspond au romantisme oriental que Saddam Hussein
avait fait mettre en scène dans un roman dont il s'était attribué la
paternité. S'il est abusif d'attribuer au maître déchu de Bagdad d'avoir
prédit la situation actuelle, il est exact qu'il en a décrit l'ambiance et
valorisé les émotions et sentiments.

Le retour des praticiens de la « Guerre de basse intensité »

Cependant, du côté des militaires US, cette situation avait aussi été
envisagée. Si le cabinet civil de Donald Rumsfeld a affirmé sur tous les
plateaux de télévision que la population irakienne accueillerait les GI's en
chantant, jamais l'état-major ne s'y est trompé. Si des journalistes
crédules se sont enthousiasmés devant la chute de la statue du tyran, les
officiers supérieurs qui avaient organisé cette mise en scène pour les
caméras n'étaient pas dupes de leur propre propagande. En réalité, le plan
de « remodelage du Proche-Orient », tel qu'il a été énoncé dès 1941 par
Bernard Lewis, conseiller du Pentagone et universitaire, prévoit -entre
autres- de démanteler l'Irak en passant par une phase de chaos. Et il existe
une faction militaire au Pentagone qui planifie depuis trois ans
l'application des méthodes de contre-insurrection en Irak. Ce groupe
comprend des officiers qui ont participé, avec une branche autonome de la
CIA, à la guerre d'Algérie, puis aux opérations Phoenix au Vietnam et Condor
en Amérique latine. Ils ont acquis un savoir-faire dans les assassinats
ciblés, le terrorisme, le déplacement forcé et le contrôle des populations.
Ils ont intégré dans leurs rangs des officiers recrutés dans les armées
britanniques, jordaniennes et israéliennes. Et même des officiers français
comme le général Paul Ausaresses de sinistre mémoire. Les 22 et 23 mars 2001
en Californie, ils ont tenu un séminaire intitulé « Prêts pour
l'apocalypse ». C'était avant les attentats du 11 septembre et les
interrogations sur les armes de destruction massive et l'on ne parlait pas
encore ni d'attaquer l'Afghanistan, ni d'attaquer l'Irak.

On y a pourtant étudié les moyens de faire face à une insurrection en Irak
lorsque le pays serait occupé. Ces officiers ne se sont dévoilés auprès de
leurs collègues que lorsque ceux-ci ont admis le caractère critique de la
situation. Ils ont alors organisé au Pentagone la projection d'un film
d'archives sur la bataille d'Alger et ont révélé leurs intentions. Ils
peuvent compter sur le soutien politique d'un puissant think-tank, le Projet
pour un nouveau siècle américain. Cette association a rédigé le programme
électoral de George W. Bush, en 1999. Tout au moins la version de son
programme destinée aux donateurs de sa campagne, pas celle qu'il expliquait
dans ses meetings. Ils ont réussi à faire nommer, le 2 octobre le général
William Jerry Boykin au poste de sous-secrétaire à la Défense chargé du
renseignement. De la sorte, un des officiers « prêt pour l'apocalypse »,
selon leurs prorpes termes, figure désormais officiellement dans
l'organigramme du cabinet Rumsfeld. Le général Boykin est un chrétien
fondamentaliste qui prêche dans les temples qu'il a vu physiquement le
diable à Mogadiscio, lors de la célèbre bataille au cours de laquelle tomba
le faucon noir. Il affirme que l'Amérique est un État chrétien assailli par
Satan et que l'Islam est une religion démoniaque.

La contre-insurrection a commencé

Les opérations de contre-insurrection ont commencé. En premier lieu, une
partie des assassinats ciblés des derniers mois n'est pas le fait de la
résistance, mais de la Coalition. Ainsi, comme l'a révélé l'hebdomadaire
égyptien Al-Osbao, le Central Command a découvert que l'exécution, le 7
août, de l'ayatollah Baker al-Hakim, chef de l'Assemblée suprême pour une
révolution islamique, à la sortie de la mosquée d'Ali, à Nadjaf, à l'issue
de la prière du vendredi, a été perpétrée par un commando israélien appuyé
par des agents de la Coalition. Placé devant le fait accompli, le Central
Command a été contraint d'exfiltrer les assassins qu'il voulait arrêter. Des
opérations de contrôle des populations ont été expérimentées en zone
sunnite. Ainsi, les forces US ont-elles séquestré tous les hommes d'un
village pendant six semaines pour les contraindre à dénoncer ceux d'entre
eux qui étaient liés au Baas. La décision de retirer une partie des troupes
US d'Irak et de confier le maintien

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